Les poissons aussi sont sensibles

Traduction de l’article Fish have feelings too, écrit par Sarah Griffiths, publié dans le Daily Mail du 19 juin 2014.


 

Les poissons aussi sont sensibles : les experts affirment que ces créatures ressentent la douleur de la même façon que les humains. Et qu’elles devraient être mieux traitées.

 

Un scientifique affirme que les poissons ont la même intelligence que les autres vertébrés.

Les poissons ont une bonne mémoire, construisent des structures complexes et ont des comportements constatés chez les primates. Ils ressentent également la douleur tout comme nous.

L’expert affirme que notre façon de traiter les poissons et les techniques de pêche doivent être repensées.

Ce sont les dernières affirmations dans un débat sur la façon dont les poissons répondent aux stimuli.

 

La pêche ne semble plus être vraiment un sport de détente, car les scientifiques affirment avoir conclu que les poissons ressentent la douleur, exactement comme les humains.

L’un de ces chercheurs pense que les poissons ont la même intelligence que d’autres animaux et donc, que nous devrions nous soucier davantage de leur bien-être.

Remettant en question les préjugés, il ajoute que les poissons ont une bonne mémoire et font preuve de comportements observés chez les primates, tels que la construction de structures complexes comme des châteaux de sable avec des formes spécifiques, ainsi que l’utilisation d’outils.

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DÉBAT : LES POISSONS RESSENTENT-ILS LA DOULEUR ?
En 2003, des scientifiques d’Édimbourg ont affirmé avoir trouvé la première preuve concluante de perception de la douleur chez les poissons.
Ils ont découvert que 58 récepteurs dans la tête de truites arc-en-ciel répondaient aux chocs électriques et chimiques.
Quand les scientifiques ont injecté du venin d’abeille dans les lèvres de quelques poissons, ils ont constaté que les poissons réagissaient en secouant la tête ; un mouvement similaire à ceux observés chez les mammifères.
« La truite à qui on avait injecté de l’acide a également été observée en train de frotter ses lèvres sur le gravier de son aquarium… cela ne semble pas être une réponse réflexe », selon le Dr Lynne Sneddon.
Elle ajoute que l’étude « remplit les critères pour établir la douleur de l’animal. »
Mais de nombreux scientifiques ne sont pas d’accord et affirment que le simple fait que des poissons répondent à un stimulus ne signifie pas nécessairement qu’ils le traitent comme de la douleur.
Certains argumentent que les poissons n’ont simplement pas la capacité neurophysiologique de ressentir la douleur et que leurs réactions sont mesurées selon des critères humains.
L’an dernier, des scientifiques du Wisconsin ont déclaré que les poissons n’ont pas de système nerveux ou pas assez de récepteurs nerveux sensoriels pour ressentir la douleur.
Alors que les poissons luttent parfois pour s’échapper, les scientifiques affirment que cela ne signifie pas qu’ils souffrent. 
Au contraire, on observe chez eux « peu d’effets » en réaction à des blessures et des toxines qui feraient agoniser des humains. 

 

Le professeur agrégé Culum Brown de la Macquarie University en Australie affirme que les poissons ont une très bonne mémoire, qu’ils vivent au sein de communautés sociales complexes où ils gardent la traçe d’individus et peuvent apprendre les uns des autres.

Ils développent des traditions culturelles et peuvent même se reconnaître eux-mêmes et reconnaître d’autres poissons.

Ils montrent également des signes d’intelligence machiavélique, tels que la coopération et la réconciliation, selon l’étude, qui se concentre sur les poissons osseux et qui est publiée dans la revue de Springer : Animal Cognition.

Le professeur Brown affirme que les sens primaires des poissons sont « tout aussi bons et dans certains cas meilleurs que ceux des humains ».

Le niveau de complexité mentale dont les poissons font preuve est équivalent à celui de la plupart des autres vertébrés, tandis qu’il existe des tas de preuves qu’ils peuvent ressentir la douleur de façon similaire aux humains.

Tandis que le cerveau des poissons diffère de celui d’autres vertébrés, les poissons ont de nombreuses structures comparables avec des fonctions similaires.

Le professeur Brown pense que si des animaux comparables sont sentients, les poissons doivent également être considérés comme sentients, et donc que leurs besoins en termes de bien-être devraient être reconsidérés.

« Même si les scientifiques ne peuvent pas fournir une réponse définitive sur le niveau de conscience d’un vertébré non-humain, les nombreuses preuves de la sophistication du comportement et du développement cognitif des poissons ainsi que de leur perception de la douleur suggèrent qu’il conviendrait d’accorder aux poissons le même niveau de protection qu’aux autres vertébrés », a-t-il déclaré.

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« Nous devrions donc inclure les poissons dans notre « cercle moral » et leur accorder la protection qu’ils méritent. »

Tandis que les implications de la recherche pourraient avoir un impact important sur l’industrie de la pêche, les poissons sont également utilisés de manière similaire aux souris dans la recherche scientifique, les conditions de laboratoires devraient être repensées aussi.

Le professeur Brown pense que le grand public s’intéresse peu au bien-être de ces créatures car beaucoup de personnes ne pensent à ces animaux qu’en tant qu’animaux familiers ou en tant que nourriture, et ne les considèrent pas comme des êtres conscients et intelligents.

Une étude récente a permis de découvrir que les écrevisses et les langoustines ressentent le stress de la même manière que les humains et qu’elles peuvent être calmées de façon similaire en utilisant des traitements.

C’est la première fois que des signes clairs d’anxiété (normalement associés à des formes de vie complexes) ont été observés chez une espèce invertébrée.

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Dans une étude publiée la semaine dernière, les chercheurs expliquaient que l’anxiété est différente de la peur, qui est une émotion que même les animaux les plus simples ressentent.

Ils ont construit un labyrinthe spécialement conçu pour mettre des créatures proches des homards sous pression et ont découvert que le niveau de sérotonine augmentait dans leurs cerveaux.

Injecter à des écrevisses ce neurotransmetteur suffisait à les rendre anxieuses, mais elles pouvaient être calmées avec une autre substance appelée Chlordiazépoxide (CDZ) qui est également utilisée pour traiter les humains.

Le Dr Daniel Cattaert, de l’Université de Bordeaux a déclaré : « [Nos résultats] soulignent la capacité des invertébrés à être dans un état similaire à une émotion éprouvée par un mammifère ».

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ET LES CRABES DE BOUE PEUVENT ENTENDRE LES POISSONS BRUYANTS
Le son joue un rôle dans la réaction des crabes par rapport aux poissons et leur permet de se cacher des prédateurs, selon une nouvelle étude.
Des scientifiques de la Northeastern University à Boston, Massachusetts, ont découvert que le son (ainsi que les signaux visuels et chimiques que les poissons émettent lorsqu’ils nagent) peuvent pousser les proies telles que les crabes de boue et les crustacés semblables aux crevettes appelés amphipodes à se cacher.
Le professeur Randall Hughes a expliqué que les poissons faisaient beaucoup de bruits pour relayer les signaux de détresse, trouver des proies, défendre leurs nids et attirer des partenaires.
« Nous avons montré que ces crabes changeaient de comportement en réponse à ces signaux acoustiques. Ils sont tout aussi fort que des signaux chimiques », selon elle.
Lors d’une expérience, son équipe a diffusé des sons émis d’un poisson prédateur dans un aquarium de crabes de boue et a constaté qu’ils changeaient de comportement et mangeaient moins.
Pour découvrir si les crabes entendaient réellement les bruits, ils ont implanté des électrodes dans le « statocyste » à la base des antennes des crabes de boue (un petit sac contenant une masse minérale et des milliers de cils sensoriels).
Les signaux d’électrodes ont montré une forte corrélation avec l’accélération de particules quand les crabes étaient stimulés avec des pulsations rapides de bruit, selon l’étude, qui a été publiée dans la revue Proceedings de la Royal Society B.
Les créatures entendent via les milliards de particules déplacées qui se cognent contre les minuscules cils à l’intérieur de leurs statocystes. 
Cette étude est la première à démontrer que des crabes marins sont capables d’entendre et l’équipe va maintenant tenter de savoir si les crabes apprennent à réagir à des menaces locales.

Si les méthodes d’expérimentation visant à déterminer si les animaux, comme par exemple les poissons, ressentent de la douleur ou pas sont bien souvent douloureuses justement, espérons qu’elles ne seront bientôt plus du tout pratiquées et qu’elles seront remplacées par une observation scientifique des animaux dans leur milieu naturel.
Quoi qu’il en soit, les résultats de ces expériences se rejoignent et confirment ce que nous pouvions tous deviner en observant la plupart des animaux.
Oui, ils souffrent.
Oui, ils cherchent par tous les moyens à éviter la douleur, les blessures, la mort.

Chez des animaux aussi différents de nous que les poissons et les invertébrés, l’empathie et même simplement l’intérêt sont loin d’être évidents. Notre méconnaissance de leur milieu, de leurs caractéristiques physiques, associée à notre incompréhension de leurs façons de communiquer et à leur absence de cri et de sang lorsque nous leur faisons du mal… tout cela concourt à ériger une sorte de barrière entre eux et nous.
Pensons par exemple au fameux « poisson rouge » que tant de personnes ont comme animal familier, plus pour la décoration qu’autre chose malheureusement. Peu de personnes se renseignent sur ces animaux afin de s’en occuper correctement, ce qui cause inévitablement une mort prématurée du poisson après une vie misérable à tourner en rond dans un bocal trop petit, sale et pauvre en oxygène. (S’occuper d’un poisson rouge.)

Pourtant comme les autres animaux, leur intérêt est de survivre, donc de ne pas être blessés, mutilés, affamés, etc. Ils ont donc besoin de sentir la douleur pour survivre (contrairement aux végétaux -je vous vois venir- qui fonctionnent selon un modèle différent qui ne nécessite pas de conscience ni de capacité à ressentir la douleur).

Pour aller plus loin, je vous conseille cet article extrêmement complet traduit dans les Cahiers antispécistes :

Les poissons : une sensibilité hors de portée du pêcheur

3 commentaires

  1. C’est quand même hallucinant que les chercheurs aient eu besoin d’injecter de l’ACIDE à une truite??? A partir du moment où un animal a un système nerveux, n’est il pas évident que ce système nerveux lui sert à ressentir; et que la douleur est un important stimuli pour éviter la mort?
    Safran Foer (Faut il manger les animaux, 2009) avait aussi décortiqué le comportement des poissons, qui avaient une excellente mémoire et connaissaient la vengeance (comme tu l’écris)

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  2. Merci pour ta traduction sur un sujet qui préoccupe trop peu de gens. Je suis un peu comme Savy Boxer. Je m’interroge sur le fait que toutes ces expériences aient été conduites alors qu’il semble si évident qu’un poisson ressent la douleur, la détresse. Qui n’a jamais vu un poisson vivant mis hors de l’eau et aspirer l’air désespérément ?

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    • Il y a effectivement une belle hypocrisie dans cette manie d’enfoncer des portes ouvertes concernant la capacité des autres animaux à ressentir la douleur.
      Mais je suppose que tant qu’il n’y a pas de publication scientifique, il est plus facile pour les détracteurs des droits des animaux de balayer nos revendications d’un revers de la main (Lori Marino en parle un peu dans la traduction de l’article que je viens de publier sur elle d’ailleurs).

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