La virginité en question

La virginité, c’est toute une histoire. Elle représente beaucoup de choses différentes selon les sociétés.
Mais est-ce qu’on n’en fait pas toute une montagne pour pas grand chose au final ?
Pas dans le sens où il faudrait se désintéresser de la question du début de la vie sexuelle, mais dans le sens où nous baignons dans un environnement plein d’idées reçues plutôt que d’informations

Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir aborde un point intéressant concernant notre vision du corps féminin, des rapports sexuels et il me semble qu’il est important d’y réfléchir pour soi-même mais aussi par rapport à l’éducation de nos enfants.

Si certaines cultures redoutent la virginité avant le mariage, en Occident quel que soit notre parcours, nous avons tou-te-s entendu qu’il faudrait la considérer comme un trésor à chérir et à ne pas brader au premier venu. Et oui, on ne parle que de la virginité féminine là en fait, autrement c’est plutôt le contraire : allez mon garçon, montre que t’es un mec, reste pas puceau !
Double standard. La pression est forte dans les deux cas, même si elle pousse les filles et les garçons dans deux directions opposées.
Quelle est d’ailleurs la logique à tout cela comment concilier le fait qu’on pousse les uns à avoir des rapports et les autres à les éviter ? Dans le cas de relations hétérosexuelles en tout cas, on se retrouve forcément avec un décalage de fait. Et ce qui devrait être un acte positif pour tous devient un piège tendu par les garçons pour prendre du plaisir au dépens des filles, et éventuellement leur « voler » leur virginité.
Nous y voilà. On met la virginité sur un piédestal, les femmes dans une position de proie et les hommes sont encouragés à l’égoïsme, à la malhonnêteté au lieu de vouloir partager un moment de plaisir mutuel, un moment à deux. Le sexe devient un danger pour les unes, un jeu de manipulation et de domination pour les autres.
Bien sûr, pour beaucoup les rapports sexuels, y compris le premier, se passent bien, mais franchement nier que cette vision des choses a une influence sur notre construction personnelle, affective et sexuelle alors que nous ne pouvons en échapper et que nous la subissons de plein fouet à l’adolescence, ce serait bien naïf.

L’obsession de la virginité comme étant une qualité intrinsèque mais fragile de la femme pose de gros problèmes. Faire croire que la valeur d’une femme dépend du fait qu’elle ait déjà eu des relations sexuelles ou pas, c’est terrible. C’est la définir en fonction de l’image que l’homme en a, en fonction de son corps uniquement. C’est lui retirer le droit d’avoir une vie sexuelle ou non. C’est faire perdurer l’opposition vierge/putain…
Une fille qui a des rapports plus tôt que la moyenne sera très mal vue. Pourtant le sexe n’a rien de mal en soi. Le fait d’avoir une vie sexuelle ne change pas la personne que l’on est. En filigrane, c’est en quelque sorte la question de la virginité avant le mariage qui ressort. Qui, de nos jours, était vierge à son mariage (si mariage il y a eu !) ? ou n’avait pas connu d’autre(s) partenaire(s) avant de rencontrer son conjoint actuel ?… On pourrait penser que cette pression appartient au passé, pourtant plus une femme aura eu de partenaires et plus elle les aura eu jeune, en particulier concernant le premier partenaire, et moins elle sera valorisée (contrairement aux hommes). Elle pourra être vue comme « souillée », « facile » ou « pas sérieuse ».
Car une femme se doit avant tout d’être fidèle et dévouée. Puis de porter les enfants de l’homme qui l’aura choisie.

En écrivant tout ça j’ai l’impression d’exagérer, de grossir le trait. Mais en fait c’est vraiment ça – de façon souvent inconsciente je le concède.

Je n’ai pas envie que ma fille ait cette vision de la sexualité et des rapports humains. Ce qui m’intéresse, c’est que tout se passe dans de bonnes conditions. Je lui souhaite qu’elle vive sa sexualité au lieu de la subir.

Parmi les 17 mensonges que nous devons arrêter de dire aux filles à propos du sexe selon la journaliste Julianne Ross, il y a :

1. La virginité existe.
2. L’hymen est le signe de la virginité.
4. La première fois, ça va faire mal. Vraiment.
14. Une fois que le rapport sexuel a commencé, vous ne pouvez plus dire « non ».
17. Tout le monde le fait.

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On retrouve l’idée d’une limite à franchir malgré tout un mélange d’obligation et de crainte.

Le mythe de la perte de la virginité parce que l’hymen est rompu est absurde. Laci Green l’explique très bien dans l’une de ses vidéos. Avoir un premier rapport sexuel, ce n’est pas perdre ni gagner, c’est commencer quelque chose.
Ce « quelque chose » qui est l’activité sexuelle reste assez flou au départ et parfois même après.
À l’adolescence tout se bouscule physiquement, hormonalement, psychiquement, affectivement, socialement…

Le fait de vivre dans une société où l’hypersexualisation est omniprésente et concerne les ados de plus en plus tôt, pour ne pas dire les enfants, est déjà dérangeant en soi. Si on ajoute les tabous et le manque de communication, il y a de quoi être perdu-e.
Voir des scènes osées, ou parler de façon crue, ce n’est pas se préparer/être préparé-e à la sexualité.

L’éducation sexuelle devrait être plus qu’un simple cours basique de biologie ou la mention de l’existence des préservatifs.
L’Éducation Nationale est supposée prendre en charge ce thème délicat (différences idéologiques, religieuses, familiales, personnelles… obligent) et dispenser des informations sur le sujet. Les relations humaines semblent malheureusement peu traitées, qu’elles soient hétéro ou homosexuelles (et je ne parle même pas des autres cas de figure dont je n’avais jamais entendus parler pour certains, jusqu’à il y a quelques mois). La masturbation n’est pas vraiment dédramatisée non plus, il me semble.
Le relais à la maison en famille est important lui aussi. La difficulté est de ne pas devenir intrusif, en voulant informer beaucoup (trop / mal ?).
Il me semble que le rôle des parents est de laisser la porte ouverte au dialogue et de donner des pistes pour que l’adolescent-e sache où se tourner lorsqu’il/elle en a besoin.
Je crois que ce qu’on a tendance à oublier c’est que, comme pour le reste de l’éducation, il ne faut pas regarder son calendrier et décider tout à coup un jour qu’il est temps d’avoir une grosse discussion. Enseigner comment est fait le corps humain, comment faire respecter son intégrité physique, comment se protéger des IST, comment se protéger des relations nocives… et bien d’autres questions, cela doit être fait de façon continue, car c’est ainsi que l’ado ne sera pas surpris-e, qu’il/elle aura des repères, si nécessaires au passage de la théorie à la pratique.

Le programme est vaste, la tache est ardue, je le conçois, mais il faut à tout prix mettre un terme à la confusion qui existe dans l’esprit de beaucoup de jeunes.

 

 

Retrouvez-moi sur les Vendredis Intellos ! 🙂

vi

 

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