L’évolution de la politique de l’enfant unique en Chine

J’ai remarqué que les Chinois sont un de ces peuples que nous Français (entre autres) aimons à regarder de haut, comme si leurs pratiques ou leurs choix étaient tous si arriérés, absurdes, antidémocratiques, dégueulasses.
Non seulement la généralisation est inacceptable, mais j’aimerais qu’on abandonne parfois notre ethnocentrisme si confortable et qu’on ait l’honnêteté d’analyser de façon la plus objective possible les tenants et les aboutissants du sujet.

Vous l’avez compris, je n’aime pas le ton de cet article de M. Yglesias.  Je le trouve méprisant, à la limite du racisme.
Je vais essayer de décrypter un peu les informations qu’on y trouve.

Mais refermons cette parenthèse-coup de gueule et venons-en au sujet qui nous intéresse. Aujourd’hui nous allons parler de la fin de la politique de l’enfant unique en Chine.

ASIE - CHINE - HONG-KONG

La politique de l’enfant unique a été mise en place en 1979 pour enrayer la démographie galopante de la Chine. Elle ne concerne que l’ethnie Han, l’ethnie majoritaire du pays, et elle stipule que chaque couple ne doit avoir qu’un seul enfant. Il n’y a pas d’interdiction d’avoir d’autres enfants à proprement parler, il y a une amende à verser pour chaque enfant supplémentaire (et a contrario des avantages pour les couples n’ayant qu’un enfant).
Le but est la limitation de l’accroissement de la population, problème socio-économique majeur en Chine. 

Rétablissons une première vérité : contrairement à ce qu’affirme le titre de l’article, il ne s’agit pas de la fin de cette politique de l’enfant unique, uniquement de son assouplissement.
Désormais les couples dont au moins l’un des membres est enfant unique pourront avoir deux enfants sans pénalité. Auparavant, il fallait que les deux parents soient enfants uniques ou qu’ils vivent à la campagne et que leur premier enfant soit une fille.

Les points positifs de cette politique

La politique de l’enfant unique est devenue au fil des années de plus en plus dépassée. Elle a d’abord été mise en place à une époque où tout le monde croyait les histoires de surpopulation et au besoin urgent d’encourager les familles du monde entier à avoir moins d’enfants.

Je ne suis pas d’accord. Cette politique a bel et bien eu l’impact escompté.
On estime à 400 millions de naissances évitées ainsi (selon les responsables du planning familial de Pékin).
La surpopulation de la Chine (pays le plus peuplé au monde et dont beaucoup d’habitants vivent encore dans la misère malgré le boom économique du pays) et plus généralement celle du Monde ne sont pas des mythes ou des « histoires ». La population humaine croît à un rythme effréné alors que la misère ne recule pas et que les ressources naturelles commencent à atteindre leur limite.
Malgré les critiques que suscitent la politique de l’enfant unique, c’est une décision non dénuée de courage et de sens des responsabilités de la part du gouvernement chinois. Après des années de promotion de la croissance démographie chinoise (en interdisant notamment la contraception), Mao avait commencé à prendre des mesures allant dans le sens d’un déclin démographique. C’est que le problème était de taille : la Chine n’arrivait plus à se nourrir. Dans ce contexte, le nouveau gouvernement mené par Deng Xiaoping a hérité d’une situation épineuse et a continué sur cette lancée avec la création de la politique dite de l’enfant unique en 1980.
La politique nataliste de la France, se basant à l’inverse sur des encouragements financiers en cas de naissance, n’a, en comparaison, aucune raison d’être de nos jours. Il est loin le temps où il fallait repeupler la France d’après guerre. Aujourd’hui penser tout résoudre par un accroissement sans fin de la population est une fuite en avant, un système de Ponzi.

À noter que selon une enquête de 2008 (Global Attitudes Survey), 76% des Chinois approuvent la politique de l’enfant unique.
Sans doute parce qu’elle est associée dans les esprits à l’amélioration du niveau de vie et à la modernisation du pays.

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Les points négatifs de cette politique

  • La limitation de la liberté fondamentale de prendre des décisions personnelles et de fonder une famille avec autant d’enfants qu’on le souhaite est sans aucun doute critiquable, pour des raisons évidentes. Quelle légitimité un État a-t-il pour dire à ces citoyens s’ils doivent avoir des enfants ou pas, et pour en définir le nombre ?
  • Des tensions ne se sont-elles pas créées entre les membres de l’ethnie Han, régulée, et ceux des autres ethnies, qui ont conservé toute leur liberté ? Je n’ai pas la réponse, je n’ai en tout cas rien trouvé à ce sujet.
  • Lorsqu’un couple ne peut avoir qu’un seul enfant, en particulier lorsqu’il est dans une situation socio-économique difficile, la préférence va toujours au garçon, en matière de sexe. Dans ces conditions, combien de petites filles abandonnées, mal-aimées, avortées, tombées dans le trafic d’enfants…?
    La répartition des sexes à la naissance est clairement déséquilibrée. Un tel déséquilibre impacte toute la société à mesure que le temps passe.
    Selon cet article de China Mike (article très complet mais en anglais), la tendance se réduirait car les femmes sont désormais capables de bien gagner leur vie et même de prendre soin de leurs parents vieillissants.
  • Les démographes et les économistes affirment que la politique de l’enfant unique a trop duré. La population a beaucoup vieilli, ce qui représente une charge pour le pays au niveau économique puisque la proportion de citoyens en âge de travailler décroît.
  • Dans les faits, des violences, du harcèlement, des avortements tardifs et des stérilisations auraient été commis sur ordre d’officiers locaux désirant respecter leurs quotas par tous les moyens. Cette pratique tendrait à se raréfier.

Et maintenant ?

Nous avons aussi appris depuis que les taux de natalité chutent de manière spectaculaire dans toutes les sociétés utilisant des technologies de contrôle des naissance, ayant des femmes avec un minimum d’autonomie par rapport à leurs partenaires masculins et un accès à la culture populaire mondiale.

En d’autres termes, même sans des mesures de contrôle de la population, la plupart des pays développés ont des taux de natalité en dessous du seuil de renouvellement de la population et la plupart des pays en développement convergent rapidement.

Cette analyse me semble pertinente, reste à savoir à partir de quand et dans quelle proportion de la population ces changements socio-culturels ont eu lieu en Chine. L’émancipation économique et psychologique des femmes est un facteur décisif pour la transition démographique et je me réjouis que les choses aillent dans le bon sens à ce niveau.

Cette tendance à un taux de fertilité faible (celui de la Chine était de 1,54 en 2010) ne fera sans doute que se renforcer dans le futur, en témoigne cet article de Chine Informations qui nous dit :

Une étude menée à Pékin par l’Institut d’administration de Beijing rapporte que 52% des couples ne souhaiteraient pas avoir de deuxième enfant même si la politique le leur permettait. Le principal facteur cité étant les pressions économiques.

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En conclusion

Une situation économique confortable et stable pour chaque famille semble être le but des politiques de planning familial chinoises, mais aussi le pré-requis a un retour à un accroissement de la natalité.

Avec la forte croissance économique du pays, c’est toute une classe de nouveaux riches qui est apparue, avec une masse de pauvres dont les problèmes n’ont pas vraiment changé et une classe moyenne presque inexistante.

L’avenir du pays se joue probablement dans la démographie et la hausse du niveau de vie mais aussi dans le rapport des citoyens chinois à leur gouvernement dont les interventions relèvent jusqu’à présent plus de l’autorité que de la bienveillance.

Retrouvez-moi sur les Vendredis Intellos ! 🙂

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