Qu’avons-nous de si spécial ?

La plupart des humains ont érigé une barrière invisible entre l’espèce humaine et les autres espèces animales. Une barrière qui nous dit que nous, les humains, valons mieux que les autres animaux. Une barrière qui finit par nous faire croire que nous ne sommes pas des animaux. Non, surtout pas !

La science progresse, le savoir se diffuse de plus en plus facilement… pourtant certains mythes ont la vie dure. L’idée que les autres animaux formeraient une sorte d’ensemble homogène et intrinsèquement différent de la catégorie des humains n’est qu’une vue de l’esprit, mais elle pollue l’inconscient de nombre d’entre nous.

Nous nous accrochons désespérément au « propre de l’Homme ». Ce petit quelque chose qui ferait de nous un modèle de créature inégalé et inégalable, élu par (les) Dieu(x). Comme si nous ne pouvions nous valoriser qu’en dépréciant l’Autre.

Le « propre de l’Homme » serait-il l’intelligence, la bipédie, la conscience, le rire, la culture…? ou que sais-je encore ? Jusqu’à présent, aucun des critères ne s’est révélé pertinent :

L’intelligence

Nous savons maintenant que certains animaux, les corbeaux par exemple, « savent » compter jusqu’à sept, d’après Hubert Reeves. Les poules peuvent reconnaître une centaine d’individus, y compris des visages humains. Les vaches répondent à leur nom, sont capables de se souvenir de visages pendant des mois. Les cétacés et les grands singes sont capables de créer et d’utiliser des outils. Des exemples comme ça, on pourrait en trouver plein.

Les singes savent se tromper, le reconnaître et s’en souvenir selon un article de RFI Science. L’expérience d’observation menée a démontré qu’ils sont capables de faire des associations d’idée, d’élaborer mentalement des concepts abstraits, d’imaginer les conséquences de leurs actes (en positif ou en négatif).
Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres et le nombre de découvertes de capacités qu’on soupçonnait grandement et d’autres qui sont totalement surprenantes croît à grande vitesse. L’éthologie est une discipline encore relativement récente, tout reste à faire.

Les scientifiques militant-e-s comme Jane Goodall ou Lori Marino n’ont de cesse d’expliquer que les animaux ont bien plus des capacités cognitives qu’on ne le pensait.

Le language

Là encore, on suppose que notre façon de faire est la seule valable. Pourtant les animaux communiquent tous à leur manière.
Nous ne nous rendons pas compte que les poules, par exemple, utilisent plus de 200 sons distincts pour communiquer.
Les primates communiquent efficacement par des gestes et par des sons et ont la capacité d’apprendre de nouveaux signes (ils peuvent même apprendre à communiquer par la Langue des Signes humaine : voir l’histoire des gorilles Michael et Koko). Leur gestuelle est d’ailleurs tout à fait similaire à la nôtre (ce qui est particulièrement frappant chez les jeunes enfants, les sourds…).
Même les abeilles ont par leurs « danses » un moyen de communiquer entre elles complexe et efficace.
Et si l’on veut se limiter aux langages les plus complexes, on citera les dauphins qui communiquent grâce à un langage fait de sifflements, présentant des variations selon les groupes mais compréhensibles d’un groupe à un autre (des accents et quelques termes différents mais une base de langue commune). Les dauphins attribuent également des prénoms à chaque individu !

« S’il a été remarqué que quelques dauphins pouvaient reconnaître jusqu’à cinquante mots de notre langue, aucun humain n’a jamais pu comprendre un seul mot de la leur. » Carl Sagan

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Pourquoi jugeons-nous LEUR intelligence d’après NOTRE capacité à les comprendre ?

La bipédie

Et bien, je crois qu’on peut aisément dire que l’arrogance liée à notre passage à la bipédie (qui nous a effectivement permis d’utiliser nos membres antérieurs de façon notamment à créer des outils) est un critère sans grand intérêt puisque :

  • d’autres animaux marchent sur deux pattes (oiseaux, pangolins, etc.)
  • les animaux qui marchent à 4 pattes ou qui utilisent par exemple des nageoires ont simplement un mode de déplacement différent, un mode de déplacement qui convient à leur corps, à leur environnement et à leurs besoins. Ils n’en sont pas moins efficaces et nombreux sont les animaux plus agiles et rapides que nous.

La conscience

Jusqu’à présent il a été démontré que les pies, les éléphants, la plupart des grands singes, les dauphins et les orques et quelques autres animaux passent le « test du miroir ». Lors de ce test on place l’animal devant un miroir afin de voir s’il reconnaît son reflet plutôt que de penser qu’il s’agit d’un autre individu. Pour peaufiner l’analyse une marque est placée sur le front de l’animal (sans qu’il ne s’en soit rendu compte). L’attitude espérée est :

  • ne pas essayer d’interagir avec son reflet comme si c’était un autre individu
  • comprendre que la marque est bien sur son propre front et essayer de la regarder, voire de la toucher / l’enlever.

Au sein d’une même espèce les réactions peuvent cependant varier, le test est donc partiellement réussi. Il est dit que les chiens ne passent pas ce test, pourtant j’ai eu un chien et il avait réussi : il essayait d’enlever la tache.

Je pense que ce test est tout à fait intéressant mais qu’il lui manque la variable d’évolution, d’apprentissage pour compléter l’analyse. Tout comme on réussit mieux un test de QI après avoir été confronté à des exercices du même type, le comportement des animaux (du moins certaines espèces) peut évoluer face à un miroir.
D’ailleurs si les bébés humains réussissent généralement ce test du miroir aux alentours de 18 mois de vie, ceux qui ont grandi dans une culture où les miroirs sont absents ne réussissent le test qu’à partir de 6 ans !

Un autre indice faisant penser à une conscience de soi pourrait être la conscience de la mort, dans le sens où on comprend son caractère définitif et inévitable. Les éléphants sont connus pour être des animaux très empathiques. Lorsqu’un membre du groupe meure, les autres viennent le toucher, le caresser une dernière fois, le veiller. Les grands singes entourent les mourants lors de leurs derniers jours et veillent les disparus. Là aussi, les individus les plus proches du défunt sont ceux qui quitteront la dépouille en dernier.

Si l’on met de côté l’observation des comportements et que l’on se penche sur l’étude scientifique des cerveaux, on remarque avec surprise que les dauphins possèderaient des capacités cognitives et émotionnelles qui seraient supérieures à celles des humains ! Affaire à suivre..

Le rire

Certaines espèces, autres que l’espèce humaine, riraient, à leurs manières. Notamment les primates (par jeux ou en réponse à des chatouilles) et les rats (en réponse à des chatouilles).

La culture

Nous savons actuellement que plusieurs espèces animales (autres que l’espèce humaine) se transmettent des pratiques culturelles de génération en génération et que celles diffèrent selon les groupes d’individus.
Par exemple des primatologue ont observés que des chimpanzés se mettaient une brindille dans l’oreille par phénomène d’imitation et de transmission suite à l’idée d’un membre de leur groupe et que cette intérêt esthétique se perpétuait dans ledit groupe même après le décès du chimpanzé à l’origine de cette mode.
D’autres chercheurs ont également observés maintes fois l’utilisation d’outils chez les chimpanzés. Une fois l’outil créé et utilisé, le savoir se diffuse entre individus et entre générations.

Aussi surprenant que cela puisse sembler, on peut voir ici que des babouins ont des chiens de compagnie ! Ils domestiquent des chiots mais aussi des chatons pour bénéficier plus tard de la protection des chiens (mais les chats ne sont pas en mesure de les protéger), mais aussi pour le plaisir de leur compagnie apparemment.

Une vie digne d’intérêt

Une expérience d’observation assez singulière avait été menée aux États-Unis il y a quelques années, il me semble (je ne retrouve pas de lien en parlant) où des chimpanzés étaient « placés » dans une maison humaine à l’américaine, pour voir quel serait le comportement des singes dans cet environnement-là. Et bien, croyez-le ou non, les singes ont appris à faire fonctionner les appareils, ils ont pris l’habitude de réchauffer des plats au four micro-ondes, de s’avachir dans le canapé pour regarder la télévision… En bref, en plus de faire preuve d’une certaine intelligence, ils ont eu les mêmes réactions que des humains dans un contexte similaire ! 

Si on réfléchit aux résultats de cette expérience, on peut conclure que nous ne sommes pas la seule espèce à aimer ce que nous aimons, ni à apprécier le confort procuré par les outils et la technologie modernes. On peut également se demander quelle vie est la plus riche, la plus intéressante, la plus palpitante entre celles que vivent habituellement les chimpanzés dans la nature et celles qu’ils ont essayé, calquée sur le modèle humain (occidental aisé) !
Les animaux, quelles que soient l’espèce à laquelle ils appartiennent, connaissent des émotions diverses et vivent des événements positifs et négatifs, à leur échelle, à leur manière. Penser qu’il n’est pas grave de priver un animal de sa liberté, de liens affectifs ou de sa vie, parce qu’il ne connaîtrait de toutes façons rien qui soit digne d’intérêt au cours de son existence est un argument fallacieux.
D’autre part, l’espèce humaine a accompli des réalisations prodigieuses, plus que les autres espèces, c’est indéniable. Mais que serions-nous individuellement sans ces connaissances héritées d’autres personnes, sans la culture transmise de génération en génération, sans la gloire apportée par quelques-uns et qui rejaillit sur tous ? La plupart d’entre nous ne faisons rien de si extraordinaire que ça ni au quotidien ni dans le laps de temps total que dure sa vie. En quoi, vivre dans la routine du métro-boulot-dodo est-il supérieur à la vie menée par un autre animal ? 

L’empathie

Les éléphants et les dauphins font preuve d’une grande empathie mais sont également capables de transmission de savoirs. Il existe certainement d’autres espèces ayant les mêmes caractéristiques.
Les vaches pleurent leurs veaux de façon intense lorsque ces derniers leur sont retirés (dans le cadre de l’industrie du lait et de la viande de veau).
Alors qu’on pensait que l’entraide lors de la naissance d’un petit (aka l’existence de « sages-femmes ») était une particularité humaine, on a récemment découvert en Chine que les singes semnopithèques par exemple pouvaient également adopter ce comportement d’aide à la mise au monde.

EDIT : Bonus : La sexualité sans but procréatif (clique ici)

 

Et après tout quelle importance ?

Nous sommes différents des autres animaux en certains points et similaires en d’autres. L’écrire me semble tellement banal.
Nous sommes meilleur-e-s sur certains points mais tellement plus limité-e-s sur d’autres (j’y reviendrai dans un prochain billet).

Quoiqu’il en soit, l’observation et les comparaisons ne devraient pas servir de prétexte à une hiérarchisation quelle qu’elle soit.

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13 commentaires

  1. C’est intéressant de voir tout ça regroupé au sein d’un même billet ! Beau boulot ! Mais effectivement, la tristesse du truc, c’est notre volonté à COMPARER plutôt qu’à comprendre. Après, c’est sûr, c’est le cheminement logique pour justement plus tard, comprendre. Mais malgré tout, ça implique toujours une hiérarchie, débile et absurde.

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  2. J’ai juste envie de rajouter deux choses :
    – Les cochons aussi font partie des animaux qui réussissent le test du miroir (C’est toujours bon de le rappeler, étant donné leur condition actuelle.).
    – Le langage des dauphins est encore plus fascinant et complexe que ce qu’on pouvait imaginer. De la même manière qu’ils peuvent percevoir la forme des objets à distance par écholocation, pour communiquer entre eux il semble qu’ils créent des sortes d’images 3D par sonar qui représentent les objets correspondants. http://www.dailymotion.com/video/xzmqyt_operation-dolittle-la-voix-des-animaux-2013_tech

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  3. Je ne suis pas vegan mais je tends vers une alimentation végétarienne, je crois bon de le préciser.
    Pour moi, la logique ici n’est que financière. Il s’agit, autant pour l’homme que l’animal, de faire en sorte de tout déshumaniser. Arte a diffuser un cycle de documentaire sur le capitalisme, et le 3ème ou 4ème volet explique très bien comment nus en arrivons à ne plus voir un poulet qu’à travers les cuisses vendant en barquettes, un porc uniquement en tranches de jambon, etc…
    Tout doit être rentable aujourd’hui, l’animal n’échappant pas à la règle.
    Bientôt (si ce n’est déjà fait d’ailleurs) l’humain trouvera sa place dans ce panthéon de rentabilité et ne sera plus rien d’autre qu’un chiffre ou une donnée d’ajustement de politique économique.
    Le problème pour moi n’est pas la perception de l’animal par l’humanité, mais plutôt ce que l’on met derrière. En fait, c’est « pourquoi l’humanité perçoit-elle le règne animal ainsi de nos jours ? ».
    Le problème d’un système capitaliste qui avait promis l’abondance pour tous, de bonnes conditions de vie pour tous et qui aujourd’hui ne fonctionne plus qu’avec pertes et profits.
    Le problème n’est pas l’humanité, c’est pourquoi accepte-t-elle de fonctionner ainsi ?
    Sommes-nous le problème ou la solution ? Ou les deux ?

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    • Merci pour ce commentaire.

      Je crois vraiment qu’on peut dire que les dérives tragiques du capitalisme s’appliquent également aux humains.

      Nous avons créé les problèmes, nous pouvons fournir les solutions. Mais le voulons-nous vraiment ? Ceux qui le veulent seront-ils assez nombreux à agir ?

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