Collaborer pour changer le régime alimentaire mondial – un rapport du 50by40 Corporate Outreach Summit à Berlin

Traduction de l’article de Tobias Leeneart, publié le 2 mai 2018 sur son blog The Vegan Strategist, sous le titre Collaborating to change the world’s diet – a report fril the 50by40 Corporate Outreach Summit in Berlin.

Le 50by40 Corporate Outreach Summit, organisé par ProVeg International et la Humane Society of the US, a eu lieu du 27 au 29 avril 2018 à Berlin. Je considère qu’il s’agit d’une étape importante pour le mouvement végane. Dans ce billet, je vais résumer brièvement certaines des choses que j’ai apprises, ou dont je me souviens, ou que je veux simplement partager.


Les participants à cette conférence étaient unis par l’objectif « 50by40 », qui est l’ambition globale de réduire de 50% la production internationale de produits d’origine animale d’ici 2040. Cet objectif est tout à fait conforme (quoique légèrement plus ambitieux par rapport) aux objectifs d’organisations comme Greenpeace, WWF et Compassion in World Farming, qui ont des objectifs similaires. Le sommet a été organisé pour réunir un grand groupe d’organisations du mouvement végane et des droits des animaux, et pour bâtir une alliance internationale afin de collaborer à la réalisation de cet objectif. La devise de la conférence était : « Si vous voulez aller vite, allez-y seul ; si vous voulez aller loin, allez-y ensemble« .

Cette conférence était probablement la conférence la plus internationale sur le véganisme ou les droits des animaux à laquelle j’ai jamais assisté, avec des gens de plus de trente pays différents et de six continents. Les participants étaient pour la plupart des membres du personnel ou des bénévoles importants d’organisations de leurs pays respectifs, avec quelques universitaires dans le tas. Même si les groupes présents provenaient principalement des milieux animaliste et végane (il y avait aussi des organisations environnementales, comme Greenpeace), l’idée serait de créer une plateforme plus large à l’avenir. Il y a un nombre pratiquement illimité d’intervenants qui pourraient appuyer l’objectif de réduction de 50 % d’ici 2040, y compris les organismes de santé et d’environnement, les entreprises et les gouvernements.

Pour moi, cette conférence était à bien des égards un témoignage de notre croissance et de notre maturation en tant que mouvement. Les gens qui étaient là, et le contenu de nos discussions, ont témoigné d’un professionnalisme croissant, d’un accent sur l’impact institutionnel, du développement de nos compétences et de notre expertise, et même d’une conscience croissante de la nécessité de nous tourner vers l’intérieur et de maîtriser nos propres démons intérieurs (j’y reviendrai).

J’ai commencé mon propre exposé en racontant à l’auditoire un incident survenu lors d’une conférence végétarienne dans les années 80 (je crois), où les délégués végétariens sont tombés malades en mangeant des haricots insuffisamment cuits et ont dû être transportés à l’hôpital. Cette petite anecdote avait pour but de montrer le chemin parcouru. Il fut un temps où nous ne pouvions même pas cuisiner correctement à nos propres fêtes, et maintenant certains d’entre nous montrent le chemin aux Sodexos, Compas et Aramark de ce monde ! Ce qui m’amène à….

La restauration

Cette conférence portait en effet sur le changement institutionnel, sur le fait de faire des choses qui ont un grand impact en s’adressant aux bonnes personnes. Kristie Middleton et Ken Botts, tous deux de la HSUS, en ont donné des exemples très impressionnants. Le programme Forward Food de la HSUS a déjà formé 4 000 professionnels de la cuisine, y compris dans certaines des écoles les plus prestigieuses. Le programme a permis de passer de 350 millions de repas d’origine animale à des repas d’origine végétale, ce qui a permis de sauver plus de 140 millions d’animaux.

Ken Botts est responsable de la première cafétéria entièrement végane aux États-Unis (peut-être dans le monde), dans un lieu qui n’est autre que l’Université du Nord du Texas ! Fort de ce succès, la HSUS travaille maintenant avec Aramark et Compass, et collaborera bientôt avec Sodexo. Cette collaboration et cette formation ne se déroulent pas seulement aux États-Unis ; la HSUS met en relation ses contacts américains chez chacun de ces traiteurs avec des employés clés de ces entreprises dans d’autres pays. Le programme est passé des États-Unis à l’international en une seule année. Ken Botts savait que le fait d’avoir une réussite locale leur permettrait de remonter la chaîne.

Du Portugal et de Nuno Alvim est venu un autre grand exemple de changement institutionnel. La Société végétarienne portugaise a réussi à faire pression en faveur d’une loi qui rend l’option végétalienne obligatoire dans toutes les cafétérias publiques. À l’heure actuelle, quatorze pour cent des repas consommés dans les hôpitaux, par exemple, sont d’origine végétale.

Et puis, il y a le Brésil. Comme si le succès des Brésiliens avec le programme Meatless Monday (grâce auquel des millions et des millions de repas végétaliens sont offerts chaque année) n’était pas suffisant – grâce à Guilherme Carvalho de la Société Végétarienne Brésilienne – HSI (Humane Society International) a collaboré avec un procureur du district de Bahia pour s’assurer que d’ici 2019, les écoles de quatre villes seront entièrement végétaliennes ! Sandra Lopes de HSI Brésil nous a dit que cette collaboration se traduira par 23 millions de repas végétaliens par an, pour 33 000 étudiants, dans 137 écoles et garderies !

Il y a eu d’autres exemples et témoignages de Kristin Höhlig, Katleen Haefele et Paula Rassman sur le fait que Proveg Allemagne s’adresse aux services alimentaires et aux écoles, ainsi que d’Alan Darer et Charlie Huson de Mercy For Animals’ de HSI Royaume-Uni. La plupart de ces intervenants ont explicitement mentionné que le mot « végane » est toujours effrayant ou peu attrayant pour leurs partenaires institutionnels, et que vous ne pouvez pas les approcher avec un message sur les droits des animaux. Il est préférable de parler d’alimentation végétale, de protéines végétales ou d’une alimentation consciente…..

Supermarchés et restaurants

Évidemment le changement institutionnel ne signifie pas seulement tendre la main aux grandes entreprises de restauration. Mahi Klosterhalfen de la Fondation Albert Schweitzer en Allemagne nous a parlé de leur système de classement des supermarchés et de la façon dont il contribue à accroître l’ambition des entreprises en créant une saine concurrence entre elles. Melanie Jaecques d’EVA en Belgique a fourni des chiffres intéressants issus de recherches à grande échelle sur la consommation de viande en Belgique, et a présenté un graphique montrant comment la consommation de viande en Belgique semble chuter significativement plus vite que dans d’autres pays européens (une des quelques raisons pour lesquelles je peux être fier de la Belgique).

Alison Rabschnuk du Good Food Institute (États-Unis) a parlé du classement des restaurants. GFI a observé qu’il existe d’énormes possibilités de fournir des aliments à base de plantes sur le marché extérieur. Ces efforts pourraient être particulièrement gratifiants puisque 33 % de toutes les ventes sur ce marché sont réalisées par les cent premiers restaurants. Alison a souligné que GFI ne vise pas principalement à rendre les choses plus faciles pour les végétaliens (bien que cela devrait être l’effet final), mais plutôt à fournir des options pour les flexitariens. En fait, dans leur Good Food Scorecard, les restaurants obtiennent des points supplémentaires s’ils n’utilisent pas des mots comme « végane », « végétarien » ou « sans viande » (« végétal » est accepté) ! Ils recommandent que les restaurants soient aussi subtils que possible dans leur étiquetage.

Quelques mises en garde

Nous ne devons pas nous leurrer nous-mêmes. Le défi est encore énorme, et tout ne sera pas qu’arcs-en-ciel et papillons à partir de maintenant. Leah Garces de Compassion of World Farming États-Unis nous a mis en garde contre ce qu’on peut appeler des fausses victoires. Plus d’aliments d’origine végétale ne signifie pas nécessairement moins d’aliments d’origine animale. Depuis l’introduction des boulettes de viande végétaliennes, la consommation de viande dans les restaurants Ikea, par exemple, a augmenté. La réduction n’est pas simple pour les entreprises. Les objections les plus souvent entendues de leur côté sont qu’il y a un manque de demande et que les produits sont encore beaucoup trop chers. Selon Leah, si nous voulons réussir, nous allons devoir être ouverts à toutes sortes de solutions, y compris certaines que nous n’aimons pas, comme les « produits mélangés » (voir cette interview avec Jos Hugense de Meatless).

Alors que Nathalie Rolland (Université de Maastricht) voit surtout des bénéfices dans la viande propre (« clean meat »), Arianna Ferrari a pris la position de l’avocat du diable sur ce sujet. Elle a dit que nous avons tendance à surestimer les avantages environnementaux de la viande propre et que les études d’analyse du cycle de vie montrent une image plus modeste. Nous ne devrions pas non plus fétichiser le progrès technologique, qui a une longue histoire d’échecs. Et nous ne devons pas perdre de vue les dangers et les inconvénients des monopoles, des brevets, des questions de justice distributive et de l’accès aux innovations. Arianna avait aussi des questions sur la souffrance animale et la viande propre. Une biopsie est-elle nécessairement sans cruauté ? La viande propre pourrait-elle perpétuer l’asymétrie entre les humains et les non-humains ? Ses arguments ne m’ont pas entièrement convaincu, mais il est bon que quelqu’un prenne une position critique sur ce sujet important.

La montée à l’Est

J’ai été très impressionné par la présence de tant de personnes et de groupes d’Asie de l’Est, et j’ai été ému par ce qui se passe dans ce coin lointain du monde. Frando Hakuryu et Haruko Kawano ont parlé de leur travail avec Vege Project au Japon, et Mavis Chang et Charlene Yeh ont parlé de la sensibilisation au végétalisme faite par la Tse-Xin Organic Agriculture Foundation, qui était l’hôte d’une formation de militantisme végane de CEVA que Melanie Joy et moi avons donnée récemment à Taïwan. Nous avons également entendu parler de Goal Blue en Chine, et nous avions écouté plusieurs autres groupes d’Asie de l’Est la veille de la conférence. Hazel Zhang m’a impressionné avec sa Veg Planet à but lucratif en Chine, qui compte déjà une quinzaine d’employés rémunérés et touche un grand nombre de personnes. Le mouvement en Asie de l’Est est jeune, mais il bouge et prend de l’ampleur. C’est aussi inspirant de voir que de plus en plus de groupes américains ou européens prennent conscience de l’importance d’y travailler et apportent leur soutien. Ce qui se passe à l’Est ne restera pas à l’Est ; cela affectera le monde entier.

Qui est l’ennemi ?

Sebastian Joy, CEO de ProVeg International, a parlé de « l’impact collectif » et de ce qui est nécessaire pour une alliance réussie : une organisation dorsale assurant la coordination ; un agenda commun ; des mesures communes ; des activités qui se renforcent mutuellement ; et une communication ouverte et continue.

Aaron Ross, qui coordonne l’Open Wing Alliance (une coalition internationale travaillant pour de meilleures conditions de vie pour les poules), a parlé des défis de travailler ensemble au sein de notre mouvement. Les véganes ne semblent pas seulement manger des plantes, dit-il ; ils finissent parfois aussi par se manger eux-mêmes. Parmi les difficultés que nous avons à surmonter pour travailler avec d’autres groupes, Aaron a mentionné la logistique (coordination des ressources et de la communication à travers le monde sur de nombreux fuseaux horaires différents), l’idéologie (ce que nous définissons comme végane, ce que nous acceptons d’une entreprise…), les différences interpersonnelles (les chances de ne pas nous aimer les uns les autres semblent augmenter avec le temps), les personnalités difficiles, ou un manque de cohésion (trop de cuisiniers dans la cuisine).

Dans mon propre exposé, j’ai expliqué que nous pouvons travailler ensemble avec n’importe qui et que notre plus grand ennemi est peut-être… la mauvaise nourriture végétalienne (merci pour cette réponse, Eve !). Cependant, Aaron Ross a donné une réponse plus profonde et plus intéressante à la question « qui est l’ennemi ? ». L’ennemi, a-t-il dit, est à l’intérieur. L’ennemi est notre ego qui fait qu’il nous est difficile, parfois, de partager les victoires ou de nous créditer les uns les autres. Parfois, dit Aaron, nous semblons nous soucier davantage de notre réputation que d’aider les animaux.

Longtemps partisan et bailleur de fonds du mouvement, Ari Nessel a donné la même réponse à la question de l’ennemi. L’ennemi, aussi bien que la solution, c’est nous ! Pour réussir, dit Ari, il ne suffit pas de tendre la main vers l’extérieur ; nous devons aussi tendre la main à l’intérieur du mouvement et développer notre cœur et notre esprit. Avant et pendant la conférence, Ari a dirigé plusieurs séances de méditation pour les participants. Même si je suis complètement nul à la méditation, je peux voir son utilité pour le développement personnel et organisationnel, et je suis vraiment heureux que lui et d’autres personnes introduisent cette idée dans notre mouvement. En effet, nous ne pourrons travailler ensemble avec succès sur une question aussi vaste que la nôtre que si nous prenons conscience de nos propres tendances les moins efficaces. Et, plus que cela, nous pouvons peut-être apprendre à voir ceux que nous considérons comme nos ennemis, comme nos alliés. Comme des gens qui, en fin de compte, sont dans le même bateau humain.

D’autres conférences intéressantes ont été données par Jimmy Pierson de ProVeg Royaume-Uni, expliquant une nouvelle campagne « Peak Meat », Jasmijn De Boo de Proveg International montrant combien d’acquisitions d’entreprises de produits végétaux par des entreprises de viande nous avons vu au cours de l’année dernière et pourquoi ce n’est pas nécessairement un problème. La chercheuse Helen Harwatt a expliqué un nouveau système d’accréditation pour les entreprises qui tiendrait compte de la santé, de l’environnement et des animaux. Pablo Moleman et Alexandra Kirsch de ProVeg ont parlé des sociétés de lobbying pour éliminer les petits ingrédients problématiques de leurs produits, ce qui pourrait sauver beaucoup d’animaux. Mathias Rohra, Directeur de l’exploitation chez ProVeg, est un homme qui a fait le saut du secteur à but lucratif (il travaillait chez Coca Cola) vers le secteur non lucratif. Nous étions tous heureux de voir d’autres personnes comme lui dans le public. En effet, le fait d’avoir à bord des personnes qui savent par expérience comment parler la langue des hommes d’affaires est d’une importance cruciale.

Cette conférence avait l’air d’un début. Le début de quelque chose de nouveau, quelque chose de plus puissant et plus fort que jamais auparavant. Je pense que si les animaux pouvaient nous voir, ils seraient fiers et pleins d’espoir. J’ai été heureux d’y participer et je remercie ProVeg et la Humane Society, en particulier David Pedersen et Kristie Middleton, d’avoir rendu cela possible.

Il semble que nous avons décidé d’aller loin en allant ensemble.

2 commentaires

  1. En effet l’ennemi est bien intérieur entre les ego surdimensionnés de certains qui ne veulent pas fonctionner en commun et l’agressivité des autres qui donnent une mauvaise image du véganisme auprès des non initiés.
    Et pour la clean meat, il va falloir éclaircir clairement les différents concepts de ces illuminés au transhumanisme de la silicon valley.

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