Oscar Pistorius et Ray Rice, même combat

Sam-Taylor

4 balles dans les toilettes

Vous le savez probablement, l’athlète paralympique sud-africain Oscar Pistorius, est actuellement jugé pour avoir tué sa petite amie Reeva Steenkamp par arme à feu en février 2013. Il vient d’être reconnu coupable d’homicide involontaire et sa peine sera décidée sous peu.
Ce verdict signifie que la juge a estimé que Pistorius n’avait pas fait exprès de tuer Reeva Steenkamp et que sa peine peut être comprise entre rien du tout et 15 années de prison.

Je ne suis pas juge et je ne veux pas jouer à la féministe parano (j’accorde beaucoup de valeur à la présomption d’innocence), mais le moins qu’on puisse dire, c’est que ce verdict est plutôt étonnant !

Oscar Pistorius aurait ouvert le feu sur la porte des toilettes sachant que quelqu’un se trouvait dedans. Il aurait agit après une dispute avec sa petite amie. Sa version des faits invoque un acte de légitime défense d’un homme ayant eu peur d’une intrusion dans son domicile.
Même s’il était vrai qu’il pensait que c’était un potentiel cambrioleur (voire agresseur) et non sa petite amie, le fait de tirer 4 balles sur quelqu’un qui ne peut pas y échapper est plus qu’une simple mise en garde ou une volonté de blesser. Il est plus que probable qu’il avait conscience d’attenter à la vie de quelqu’un.
EDIT : Je viens d’apprendre que Pistorius avec utilisé des balles interdites, les « Black Talon » , « des balles qui ne laissent aucune chance » à la victime, car elles explosent et lacèrent les tissus au lieu de simplement les traverser. Et la mise à mort est jugée involontaire ??

J’ai personnellement également du mal à croire qu’il n’ait pas reconnu pas sa petite amie, sa démarche, sa silhouette, le bruit de ses pas (le genre de choses qu’on connait par coeur quand on passe ses nuits avec quelqu’un)… mais bon, on ne peut pas être certain-e des conséquences d’un réveil en sursaut, de la panique…

En revanche, il faut savoir que l’ex-petite amie de Pistorius, Samantha Taylor a affirmé qu’elle avait peur de lui pendant les 18 mois qu’ont duré leur relation. Elle parle d’insultes, de bleus, de cicatrices et de tortures mentales. Elle raconte aussi qu’il l’enfermait parfois chez eux et partait sans lui dire s’il allait revenir dans une heure ou dans 3 jours ; ou bien qu’il se mettait à conduire extrêmement vite (plus de 300 km/h) avec Samantha à bord de la voiture « pour la punir ». Elle dit enfin avoir un jour caché l’arme de Pistorius par peur qu’il ne s’en serve contre elle.
Toutes les situations dont elle témoigne dans l’article du Mirror sont du déjà-vu dans le monde caché de la violence conjugale. Je peux en témoigner.

En outre, Pistorius était jugé en parallèle pour deux autres affaires de tirs avec arme à feu dans un lieu public. Il a été jugé coupable d’avoir tiré par inadvertance avec une arme à feu dans un restaurant bondé à Johannesburgh (peu de temps avant d’avoir abattu Reeva Steenkamp), et il a été acquitté pour le fait d’avoir tiré un coup de feu par le toit ouvrant d’une voiture, peu après un contrôle de police sur une autoroute près de Johannesburg.

A-t-on vraiment envie qu’une telle personne n’écope que d’un avertissement (c’est une peine possible) …?

De nombreuses personnes en Afrique du Sud s’interrogent sur ce jugement, des anonymes comme des juristes, comme par exemple l’avocat Martin Hood qui considère que la magistrate Thokozile Masipa a fait une erreur.

« Ca pourrait vraiment ouvrir la porte à des abus systématiques de notre système juridiciaire par des gens qui abattraient leur conjoint et plaideraient la légitime défense ». (Martin Hood)

EDIT : Un article éloquent de Meghan Murphy à ce sujet (En lisant ça, je me dis personnellement que je reviens de loin.)

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KO dans l’ascenseur

Si en France, c’est passé inaperçu, un autre scandale en rapport avec la violence conjugale frappe actuellement les États-Unis.
Une vidéo a été diffusée il y a peu de temps par le site TMZ concernant des événements qui se sont produits en début d’année. Cette vidéo est un enregistrement des caméras de télésurveillance d’un casino-hotel d’Atlantic City, qui nous permet de voir le joueur de football américain, Ray Rice, asséner un violent coup de poing au visage de sa fiancée, Janay Palmer. Celle-ci tombe et sa tête heurte violemment la paroi de l’ascenseur où ils se trouvent tous les deux, avant de finir KO au sol. Elle restera inconsciente plusieurs minutes. Ne souhaitant pas attendre que sa fiancée se réveille, Rice la traîne par terre comme un vulgaire sac à patates et la fait sortir presque entièrement de l’ascenseur. Pas un geste d’aide ou de regret envers sa victime… (Si vous souhaitez voir la vidéo, c’est ici).

La NFL avait eu vent de cette histoire assez rapidement et avait suspendu Rice pour deux match. Et. C’est. Tout.
Il a fallu que la vidéo fasse le tour du Net pour que l’histoire prenne une autre ampleur. Rice est désormais suspendu à vie de son équipe des Baltimore Ravens et de la NFL. Ses contrats publicitaires ont également été annulés. Enfin il est actuellement entendu par la justice et risque de 3 à 5 ans de prison pour « coups et blessures ».

Avec une preuve vidéo, j’ose espérer que le verdict sera à la hauteur de la violence des faits, d’autant plus que je ne crois pas une seconde à un « incident » isolé, vu la violence du coup ainsi que le calme et l’indifférence de Rice suite à l’agression. Il faut être de mauvaise foi pour prétendre ne pas comprendre ce qu’il se passe dans ce couple.

Ce qui peut paraître étonnant, c’est que Janay Palmer a quand même épousé Rice un mois après les faits, et qu’elle le soutient pendant le procès. Elle a même « demandé pardon pour le rôle qu’elle avait joué dans les événements de cette soirée ». Mais en fait, quand on est sous l’emprise de quelqu’un comme ça, on est son prisonnier. Telle une personne vulnérable dans une secte, on n’a plus de recul, on ne sait plus ce qui est juste, on ne sait plus qui on est, on ne sait pas comment s’en sortir, on s’accroche à une illusion, à des souvenirs avec une personne qui semblait normale et aimante et qu’on veut retrouver malgré l’horrible carapace qui nous rend désormais malheureux/se. On est dans le déni, et plus longtemps on reste dans ce piège plus il est difficile de s’en dépêtrer. On n’arrive plus à survivre autrement que comme ça. On a besoin d’aide pas de jugement.

 

Après Chris Brown et Lilian Thuram et Bertrand Cantat et…

En plus de la tolérance de la société, non reconnue mais pourtant vérifiable dans les faits, par rapport à la violence contre les femmes, contre sa conjointe en particulier, les célébrités (artistes, sportifs, etc.) semblent bénéficier d’une protection tacite en tant que personnes « au-dessus du lot ».
La victime revient toujours sur sa plainte ou bien soutient l’agresseur – quand elle en est ressortie vivante. Ca c’est assez commun peu importe le rang économique et social du couple. Mais même si ça va encore plus loin, il semble que consciemment ou non, tout porte à éviter le pire à l’agresseur. Des juges un peu trop cléments ? Une partie du public, voire du fandom, aveuglée par l’admiration et ayant perdu son discernement ?
Ces histoires se suivent et se ressemblent.

 

Indifférence politique

Comme pour les faits divers glauques relatant la maltraitance de parents envers leurs enfants, la violence conjugale n’est jamais traitée correctement. On fait dans l’émotionnel, le sordide dans les médias. Les gens en parlent outrés autour d’une table (souvent en critiquant plus la victime que l’agresseur ou en se disant que ce sont des monstres qui font ça). Les politiciens… ne font rien. Ou alors font eux aussi les indignés quelques minutes (ça rend populaire, m’voyez).

À quand une réelle remise en cause de la misogynie, des stéréotypes, de la culture du viol… partout : à l’école, dans les médias…?
À quand une véritable sensibilisation de la population, pour qu’on comprenne que ça peut toucher n’importe qui.
Et pour qu’on sache reconnaître toutes ces situations inacceptables qu’on risque tout-e-s de vivre sans comprendre jusqu’où cela peut mener de mettre ne serait-ce qu’un doigt de pied dans cet engrenage ?

Une femme sur 10 est victime de violences conjugales (enquête ENVEFF 2001).
Une femme décède tous les 2,5 jours sous les coups de son compagnon (Ministère de l’Intérieur 2008)

En attendant, je vous rappelle le numéro gratuit et anonyme à composer si vous êtes victime ou témoin de violence conjugale :

arton13

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9 commentaires

  1. …Ils s’en sortirons…De toute façon en France…c’est la même chose…Ne croyez pas ces belles campagnes d’information « parlez en avant de ne plus pouvoir le faire »…HA HA HA , la bonne blagounette….PERSONNE NE VOUS ÉCOUTE, PERSONNE NE VOUS PROTÈGE, PERSONNE NE VOUS DÉFEND…..VOUS NE POURREZ COMPTER…QUE SUR VOUS MÊME…VOIR MÊME AVOIR A VOUS BATTRE CONTRE LA « JUSTICE »….*dégoutée*

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    • Je suppose que tu as vécu/tu vis une expérience doublement difficile, d’après ton commentaire.
      Comme je le disais sur facebook, la moindre chose qui peut apporter un soutien, se faire sentir moins seul-e, aider à prendre conscience que ça doit cesser… est utile.
      Mais je suis bien d’accord pour dire qu’un simple numéro mis en place par l’État n’est pas quelque chose de suffisant pour un tel problème.

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  2. J’ai été tout aussi affligée en voyant le verdict de Pistorius… comment la juge a-t-elle pu choisir ça ? Elle a été soudoyée ou quoi ?
    Il y a tellement de preuves que cet homme est violent, qu’il aime la violence et le contrôle, qu’est ce qu’un cambrioleur ferait dans les toilettes ? C’est fou, quelque chose n’est pas clair dans cette histoire..

    Aimé par 1 personne

  3. Pourquoi ne pas citer dans les violences domestiques Martina Hingis, par exemple?
    Je ne suis pas d’accord avec vos chiffres de l’ENVEFF.
    Pourquoi? Cette enquête n’interroge que les femmes!
    Une étude qui a repris les mêmes questions que celles de l’ENVEFF donnait les mêmes résultats que ce soit pour les hommes ou pour les femmes.

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    • Ce billet n’a jamais eu pour but de nier les violences domestiques perpétrées par des femmes.

      Cependant ces violences sont à analyser différemment puisqu’elles ne s’inscrivent pas dans un schéma d’oppression sociétale (nous vivons dans une société patriarcale, j’ose espérer que vous n’en doutez pas).

      Les statistiques concernant les hommes sont probablement encore plus difficiles à obtenir concernant la maltraitance, la domination psychologique et les coups. En revanche en termes de décès, les chiffres ne peuvent être occultés et le phénomène est minoritaire.
      Ce qui n’est pas une raison pour ne pas en parler mais c’est à aborder sous un autre angle (qui serait selon moi uniquement celui de la relation « pervers narcissique » avec sa victime, alors que dans le cas d’une femme victime d’un homme le fait de vivre dans une société patriarcale qui encourage les hommes à être dominants et aux femmes à tout accepter en rajoute clairement une couche).
      Les victimes souffrent tout autant mais la réponse à apporter par la société n’est pas exactement la même.

      Avez-vous un lien vers l’étude dont vous parlez ?

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      • En ce qui concerne les violences physiques les hommes représenteraient 25% des victimes selon l’ONDRP. La part de victimes serait de 2% des femmes et 0,7% des hommes.
        L’étude de l’ENVEFF trouve 10% car elle y rajoute la violence psychologique.
        Un étude réalisée en 2005 a repris les mêmes questions que l’ENVEFF (page 4) et les hommes seraient à peu prêt autant victimes que les femmes de violence psychologique.
        Je ne dis pas que vous voulez nier la violence perpétrée par des femmes mais je trouve dommage que l’ENVEFF n’ait pas interrogée les hommes car ceci amène à penser que seules les femmes peuvent être victimes.

        Cliquer pour accéder à fichier_violencescouple050619_de865.pdf

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        • Merci pour ce lien (que je viens de regarder).
          Il faudrait étudier les études (!) parce qu’en regarder une seule, c’est vrai que ça peut être carrément trompeur.

          Après, même si l’étude que vous mettez en lien est intéressante, on reste un peu « au seuil » de la violence domestique dans les questions posées. On parle de points qui en disent long sur la mentalité du conjoint ou de la conjointe (ex : interdiction de parler à quelqu’un du sexe opposé) mais ça peut rester dans le cadre d’une relation difficile/avec de gros défaut (ou que sais-je) tout comme ça peut s’empirer jusqu’à la violence domestique.

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  4. « Il faudrait étudier les études (!) parce qu’en regarder une seule »
    Le problème c’est qu’il n’existe pas d’autres études sur les violences psychologiques au sein des couples (en tout cas je n’en ai jamais trouvée).
    Les seules études concernent les violences physiques, où là les femmes sont plus victimes que les hommes.

    « on reste un peu « au seuil » de la violence domestique dans les questions posées »
    Je pense que c’est pour cela que l’enquête ENVEFF n’est pas très crédible.

    Je ne nie pas que dans l’ensemble les femmes sont les premières victimes, que plus les violences sont graves plus leur part est élevée, mais je trouve dommage que le phénomène des hommes victimes soit minimisé.
    Le problème de cette minimisation, c’est que ce sont des groupes misogynes/masculinistes qui s’emparent du sujet des hommes battus.
    Je trouverais normal que l’on parle de violence conjugale en général, mais de mettre l’accent sur les violences faîtes aux femmes à cause des problèmes sociétaux que vous avez évoqué.

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