Une mère ? C’est dégoûtant !

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Photographie de Lennart Nilsson

Dans « Le Meilleur des mondes » d’Aldous Huxley, les bébés ne naissent pas. Ils sont décantés, après un développement dans des flacons. Les personnages de ce roman d’anticipation considèrent, suite à un conditionnement hypnopédique, que tout ce qui se rapporte à un attachement émotionnel fort (comme les liens familiaux) et à une procréation naturelle et physique sont des choses aberrantes, écœurantes. C’est pourquoi le retour à une gestation in utero suivie d’une éducation par la mère (et/ou le père) sont juste inenvisageables. Tabou. Ce sont même des idées considérées comme grossières !

Dans la vie réelle, dans les sociétés occidentales d’aujourd’hui, les femmes continuent à porter leurs enfants dans leurs ventres (sauf cas particuliers) pendant 9 mois. Souvent, elles s’en réjouissent même. Puis elles accouchent et ressentent à la fois toute la force et toute la faiblesse de leur corps (avec donc du négatif et du positif propre à chacune).
Nous savons que la grossesse et l’accouchement sont des épreuves et nous rappellent notre condition d’animal, mais nous ne remettons pas en question cette nécessité d’en passer par là, pour le meilleur et pour le pire.

Mis à part, peut-être, les quelques partisan-e-s de l’utérus artificiel.
Car des expériences visant à concevoir un utérus artificiel se déroulent depuis plusieurs années déjà sur des animaux.
Si des intentions ont pu être bonnes au départ dans l’esprit de certain-e-s, la dérive me semble trop évidente pour justifier quoi que ce soit. L’utérus artificiel profiterait mieux au capitalisme qu’à la cause des prématurés.
Et je ne parle même pas des méthodes révoltantes d’expérimentations sur des individus non consentants.

Cette parenthèse à part, je m’interroge sur la raison du deux poids deux mesures à ce sujet, entre la gestation d’un côté et l’allaitement de l’autre.
Le fait d’allaiter, et encore pire, d’allaiter sans se cacher, est parfois mal vu et même très mal vu. Cet acte s’inscrit pourtant dans la lignée directe de la conception et de l’enfantement. C’est le moyen qu’a le corps des femmes de subvenir aux besoins (de nourriture, mais pas que) du petit jusqu’à ses 2 ans.
Les seins existent avant tout pour produire du lait et nourrir un bébé/bambin. Les réduire à des objets sexuels est inacceptable. Considérer qu’ils appartiennent à quelqu’un d’autre qu’à la femme en question est terrible et sexiste. Prétendre que l’acte de donner le sein à son enfant est impudique, voire vicieux, renvoie à un problème de rapport aux corps des femmes de nos sociétés.

Pousser les mères allaitantes à rester chez elles, à se cacher dans les toilettes ou à se bâcher est non seulement intolérant et d’une certaine manière violent, mais c’est également contraire à la loi qui protège le droit des femmes à allaiter « en public » (je n’aime pas cette expression mais bon…). C’est aussi nier totalement les besoins de l’enfant à être nourri, avec la meilleure nourriture qui soit et qui lui revient, et ce dans de bonnes conditions d’hygiène, de commodité et de dignité.
C’est faire reculer le taux d’allaitement pour des raisons qui n’ont pas lieu d’être. C’est laisser des personnes intolérantes et probablement mal informées diriger nos vies et nous priver de quelque chose  d’irremplaçable.

imgCampagne de When Nurture Calls

J’apprécie que des femmes célèbres publient des photos d’elles-mêmes en train d’allaiter. Parfois de façon glamourisée, parfois totalement au naturel. Elles ont le mérite de prendre position et de participer à la visibilité de la cause et à la banalisation de la vision de mamans allaitant leurs bébés.

Dernièrement c’est Olivia Wilde qui vient de poser avec son fils de 3 mois. Comme d’habitude les réactions sont soit tout à fait positives, soit très virulentes. Olivia Wilde positionne clairement son allaitement dans une démarche féministe. Contrôle de notre corps et de son image, capacité à prendre des décisions et autonomie concernant nos enfants, lutte contre l’objectification et la sexualisation de la poitrine féminine…

Encore une fois, ceci n’est pas une attaque contre les mères « biberonnantes », seulement un appel à laisser celles qui le décident allaiter en paix.

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11 commentaires

  1. Il y a 20 ans j’allaitais ma fille dans l’espace public sans aucun problème. J’allaitais à la demande et on ne calcule pas toujours les besoins d’un bébé. Je n’ai jamais entendu une seule réflexion désagréable pendant tous ces mois. Bien sûr je le faisais avec discrétion, vêtements amples et prévus à cet effet, mais je ne me cachais vraiment pas. Je récoltais plutôt des sourires complices, amicaux, tendres ou émus. Hommes et femmes confondus. Prenons garde, femmes, filles, mères. L’époque est à la régression envers tous les droits féminins ! Je le constate au quotidien avec le recul de mes 53 ans. Ne laissons pas faire.

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    • Merci pour ce témoignage.
      Même si je n’ai pas vécu de réel désagrément personnellement pendant la période où j’allaitais (certains de mes proches avaient peur que mon allaitement soit visible mais en fait je leur demandais au contraire de ne pas se mettre devant ni rien, et les gens ne s’en rendaient même pas compte), je vois bien qu’il y a un gros problème autour de ça. Non en fait il y en plusieurs…

      Même si j’ai moins de recul, je crois qu’il est clair qu’on régresse sur plusieurs plans en effet (moi je le vois au niveau des jouets et dessins animés : entre mon enfance et maintenant avec ma fille) !

      100% d’accord : Ne laissons pas faire !

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  2. J’ai toujours trouvé profondément MALSAIN le fait de rapprocher l’allaitement et la sexualité. En quoi le fait d’allaiter son enfant est-il sensuel/sexy/sexuel? En rien!!! Il faut avoir l’esprit vraiment mal placé pour voir une quelconque connotation sexuelle dans le simple fait de nourrir un enfant. A ce stade là, ce n’est pas de la pudeur, mais de la pudibonderie!

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    • On a oublié ce que sont les seins à la base : des organes nourriciers. Le fait qu’ils soient également des zones érogènes est quelque chose de secondaire.
      Sans parler de l’hypocrisie : parce qu’entre une femme qui allaite et une femme en décolleté/maillot de bain, voire poitrine nue dans la vraie vie ou dans les médias, celle qui est la plus dénudée n’est pas celle que l’on pourrait croire.

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  3. Je viens de regarder la vidéo sur les essais illégaux d’utérus artificiel et j’en ai la chair de poule, j’ai encore mal au coeur et des frissons partout. Comment peut-on marchandiser à ce point l’être humain ? C’est à vomir.

    Mais d’un autre côté, cela me rappelle ma maman qui pensait que mon bébé né prématurément était dans une couveuse dans laquelle il entendait les bruits de mon coeur. Hélàs il était juste dans « une petite maison » (pour reprendre les mots poétiques de ma fille) et je n’avais pas le droit de le prendre contre moi. Alors peut-être que dans le cas de bébés prématurés, cet utérus artificiel pourrait-il avoir quelques vertues.

    Mais de là à faire des expériences à l’insu des mères : 100.000 fois non.
    De là à déléguer notre rôle de gestation à une machine sans âme et sans coeur : 100.000 fois non. Quelle horreur ! Merci d’avoir publié cela. Je vais lire la suite.

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