Death for no reason is murder.
C’est ce que chante l’artiste végane Morrissey du groupe The Smiths dans le titre Meat is murder depuis 1985.
Viande = Meurtre
C’est un slogan qu’on voit régulièrement réapparaître dans les manifestations ou même les discussions sur le végétalisme et l’antispécisme.
Certains véganes le trouvent trop agressifs, d’autres considèrent que ce n’est qu’une description de la réalité et qu’elle doit être entendue.
Un cadavre dans l’assiette
C’est vrai qu’une fois devenu végé éthique, on ne voit plus un produit ni de la nourriture dans l’assiette quand on regarde un morceau de viande. On voit le muscle, l’organe, le sang. On voit l’animal. Bien souvent on verra des images terribles d’agonie et de larmes et on entendra des cris, sous forme de souvenir de visionnages ou d’expériences de première main. Une fois qu’on a ça dans la tête, on n’oublie pas. Le contenu de cette assiette n’est plus agréable, appétissant ni convivial. L’insouciance, voire l’indifférence, des personnes qui mangent de la viande nous semble choquante.
C’est pour cette raison que les végés ont quelques fois envie d’exprimer cette révolte, ce dégoût. Ne plus être dans la tolérance feinte, dans l’impuissance. Alors on dit les choses cruement.
Oui, pour obtenir de la viande (ainsi que d’autres produits) on doit tuer. La viande (et autres charcuteries, poissons, « fruits » de mer, etc.) sont indubitablement ce qui reste d’un corps sans vie.
Pourquoi rappeler cet état de fait est-il considéré comme si impoli, agressif, accusateur ?
Simplement parce c’est une vérité : Ne dit-on pas qu’il n’y a que la vérité qui blesse ? (du moins elle blessera à coup sûr encore plus qu’un mensonge.) Et deuxièmement parce que cela réveille en nous un sentiment de culpabilité, cela nous ramène à un être qui a vécu et qui voulait continuer à vivre. Cela nous renvoie également une piètre image de nous-même.
Si nous sommes mal à l’aise face à ce rappel des faits, c’est aussi parce que nous n’arrivons pas à garder notre appétit et notre sérénité si nous pensons avoir commis quelque chose de mal et si nous laissons un peu de compassion entrer dans notre esprit.
C’est découpée, transformée, cuite, assaisonnée et renommée que nous apprécions le plus la viande. Nous salivons difficilement à l’idée de mettre un gros morceau de viande crue et sanglante dans notre bouche et de la mâcher ainsi.
Tout comme nous salivons encore moins devant un corps mort entier (pensez par exemple à un animal renversé sur la route). Nous aurons plutôt un sentiment de dégoût ou bien de peine. Nous avons zéro instinct carnivore. Comme l’explique très bien Melanie Joy, nous devons constater leurrer notre esprit et nos sens, et endormir notre compassion pour pouvoir continuer à consommer des animaux. Les termes « meurtre » ou « cadavre » nous mettent donc en situation de dissonance cognitive.
Ne pas rompre le dialogue
Le problème de cette approche, c’est qu’elle vise plus à soulager la tension du végé qu’à entamer un dialogue.
Dans ce cas de figure, le carniste se sent agressée et se braque (et c’est bien compréhensible, pour être honnête). Le végé n’a pas fait que dénoncer une situation, il s’est également posé en juge. D’une pratique mais aussi d’une personne.
Aucune communication sincère et ouverte ne peut déboucher.
Le sujet étant déjà délicat à la base, je pense que ce n’est vraiment pas la meilleure façon de l’aborder.
Nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes arguments, ni aux mêmes mises en scène. Personnellement j’ai besoin de faits mais j’ai aussi eu besoin d’images chocs : une vache qui pleure son veau qu’on lui enlève, des bébés phoques écorchés vifs, le regard d’un animal qui est poussé vers l’abattoir, des singes avec des électrodes dans le cerveau… Ca n’est plus du blabla, ce ne sont plus de simples mots sur du papier ou une discussion houleuse en famille ou avec des amis. C’est la réalité froide et indéniable. C’est la validation de ce que je tentais d’assimiler. Non, toute cette cruauté ne peut pas être acceptable. Mon corps tout entier la rejette.
Cependant Viande = Meurtre c’est un slogan. Des mots justement. Qu’on peut balayer plus facilement que des images ou des discours argumentés et bienveillants. Qu’on peut essayer de tourner en ridicule.
Alors trop violent ou pas assez crédible ?
J’ai l’impression que ces mots s’adressent à des personnes qui ont déjà un pied dans le refus de l’exploitation et la cruauté envers les animaux. Ou bien à d’autres véganes, comme pour se conforter dans son choix.
Je crois qu’il y a bien trop à expliquer pour le résumer dans ces mots accusateurs.
Je crois qu’on a tous été bernés à la base et que le ton à employer n’est pas celui-là.
Je crois que si le temps manque pour discuter vraiment, une image vaut mieux (mais c’est peut-être juste moi).
Je crois que je suis un peu comme toi. Je m’étais déjà posé la question de l’utilité et de la portée de ce slogan qu’on retrouve un peu partout. Trop violent, je ne sais pas, trop abscons pour celui qui n’est pas déjà sensibilisé, sans doute. C’est tout la difficulté de pondre un bon slogan, un truc qui claque. Mais je ne me vois pas reprendre ce cri pour mon propre compte, je le comprends, mais je ne crois pas qu’il ait une quelconque portée auprès de ceux que l’on souhaite toucher. La réaction qu’on risque de susciter, ça sera du « oh, faut pas exagérer, c’est pas pareil ! ». Je crois davantage au pouvoir des images, parfois sans qu’il y figure du sang… Mais une fois encore, vu le peu d’expérience que j’ai dans le militantisme, je nage toujours dans le flou. ^^
J’aimeJ’aime
On a le même ressenti en tout cas !
Pour revenir à Morrissey, il a le mérite d’être très engagé mais il envoie son message de façon tellement agressive, à chaque fois, que malheureusement il ne doit pas être super efficace (enfin ce n’est pas que je souhaite être condescendante du tout, moi avec mon ptit blog ^^;).
J’aimeJ’aime