Entre cousins

Les grands singes sont assez méconnus, bien qu’ils soient les animaux les plus proches de nous, les humains. Les Hominidés regroupent les bonobos, les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outans. Ainsi que les humains.

Il y a plus de similarités entre notre code génétique et celui des chimpanzés (98,4% de ressemblance entre notre ADN et celui des chimpanzés), qu’il n’y en a entre celui des gorilles et celui des chimpanzés.
Pour le Pr Diamonds, il y aurait en fait 3 sortes de chimpanzés : les bonobos, les chimpanzés communs et les « chimpanzés humains ». Mais ceci est une théorie parmi d’autres.

JaneGoodallJane Goodall et un bébé chimpanzé essayant de toucher son visage

Dès 1871, Charles Darwin avait compris que nous avions un ancêtre commun avec les singes. Nous avons maintenant les preuves qu’il avait vu juste et notre arbre généalogique commun s’affine sans cesse.
Plus récemment, les primatologues Jane Goodall avec les chimpanzés, Dian Fossey avec les gorilles et Biruté Galdikas avec les orangs-outans, notamment, ont beaucoup œuvré pour faire connaître ces singes au monde scientifique et au grand public, grâce à l’étude de leurs capacités, de leurs comportements mais aussi de leurs émotions. Leurs instituts et fondations permettent également de sauver concrètement des singes, de les soigner et de leur rendre leur liberté.

Les chimpanzés (Pan troglodyte)

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Il existe 4 sous-espèces de chimpanzés, vivants dans des environnements variés : du niveau de la mer à près de 2800 mètres d’altitude, de la savane aux forêts tropicales. Ils se déplacent sur de grandes étendues pour trouver leur nourriture, leur régime alimentaire étant principalement végétarien (avec une consommation opportuniste de produits animaux comme les œufs, le miel, les insectes ou la chair de mammifères). Ils savent également utiliser des plantes pour leurs vertus médicinales.

Les chimpanzés sont des animaux sociaux qui vivent en groupes familiaux allant jusqu’à une centaine d’individus. Ils communiquent par une large gamme de vocalisations, de mimiques et de gestuelles. Les caresses et l’épouillage mutuel sont une façon pour eux de créer des liens.
Les petits sont allaités et restent avec leur mère pendant 4 à 5 ans.

Pendant ses années d’études des chimpanzés, Jane Goodall s’est liée avec eux. Elle a découvert qu’ils sont des êtres très sociaux qui peuvent tisser des liens très forts mais elle sera également le témoin d’une guerre entre groupes de chimpanzés qui durera 4 ans !

Les primatologues ont recensé 65 outils sommaires utilisés par les chimpanzés. Ces savoirs et ces techniques se transmettent de génération en génération et les outils utilisés dépendent des groupes, ce qui confirme l’existence de cultures chez ces animaux.

Les chimpanzés peuvent vivre entre 40 et 50 ans.

Les bonobos (Pan paniscus)

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On différencie du premier coup d’œil les bonobos des chimpanzés communs grâce à leur face qui est foncée alors que celle des chimpanzés communs est claire. Les autres points de divergence entre eux sont surtout d’ordre comportemental. Les bonobos ont la réputation d’être moins agressifs, plus diplomates mais aussi d’avoir des pratiques sexuelles plus variées : bisexualité, baiser, pratiques orales, rapports sexuels de réconciliation…

Les bonobos ne vivent que dans les forêts tropicales humides du nord du Congo. Leurs sociétés sont à tendance matriarcale et égalitaire. Ils sont frugivores et folivores comme les autres Hominidés.

Leur intelligence ne fait aucun doute. Sue Savage-Rumbaugh a étudié les bonobos et a appris à un mâle nommé Kanzi à communiquer en utilisant 348 symboles d’un clavier. Ces symboles désignaient des objets, des activités courantes ainsi que des concepts abstraits (le présent, le bien, le mal…). Ainsi elle a constaté que Kanzi comprenait jusqu’à 3000 mots d’anglais parlés, mais aussi qu’il savait se faire comprendre par ces mots et même les combiner (proto-grammaire) pour comprendre ou formuler des phrases. La chercheuse a également demandé à Kanzi de dire à sa soeur, qui se trouvait de l’autre côté d’un mur, qu’on allait lui donner du yaourt. Kanzi a communiqué cette information en vocalisant puis sa soeur a appuyé sur la touche « yaourt » de son clavier, signe qu’elle avait compris et qu’une traduction des symboles du clavier était possible en langage bonobo. Ceux qui pensent que le langage est le propre de l’humain et que les autres animaux ne font que pousser des cris « bêtement » feraient bien de revoir leur position.
Enfin Sue Savage-Rumbaugh a mis à disposition de Kanzi et de sa famille une maison, comme celle d’une famille humaine (mais avec des symboles pour faire des choix de nourritures ou autres), et les bonobos se sont mis à vivre à peu près comme vit une famille humaine occidentale entre repas chauffés au micro-ondes et visionnage de DVD !

Les bonobos font également preuve d’empathie, en allant consoler spontanément un individu ayant été rejeté/agressé, et cela d’autant plus que l’individu en question est proche (parent, puis ami, puis vague connaissance).

Les gorilles (Gorilla)

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Crédit photo : Jo-Anne McArthur

Ce sont les plus grands des primates avec un poids de 90 à 150 kg pour les femelles et jusqu’à 270 kg pour les mâles (quand on pense qu’un chimpanzé de 60 kg est déjà 5 à 6 fois plus fort qu’un humain moyen…). Il existerait 2 espèces de gorilles et 4 sous-espèces. Ils vivent en plaine ou dans les montagnes. Leur régime se compose majoritairement de fruits et de feuilles, éventuellement d’insectes.

Les gorilles vivent en groupes comprenant un mâle et plusieurs femelles, avec leurs petits. Ils se déplacent pour trouver leur nourriture et construisent quotidiennement un nid de branches pour passer la nuit.

Les orangs-outans (Pongo pygmaeus & Pongo abelii)

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Ce sont les seuls grands singes vivant en Asie. Ils se distinguent notamment par leur pelage roux et leur caractère plutôt solitaire. L’orang-outan est le plus grand mammifère arboricole (environ 40kg pour les femelles et 80 kg pour les mâles). Sa taille moyenne va d’1,10 m à 1,40 m. Il existe deux espèces d’orangs-outans, toutes deux frugivores et folivores.

Leur intelligence est de plus en plus étudiée et on sait notamment qu’ils savent utiliser des outils. Ils possèdent également une culture propre, avec des variations d’une population à l’autre.

Le nom orang-outan vient du malais et signifie « homme de la forêt ».

 

Da manière générale, les primates non-humains sont capables :

  • de marcher sur deux membres (même si leur bipédie diffère de la nôtre)
  • de communiquer entre eux par un langage qui leur est propre et d’utiliser des mimiques faciales pour communiquer
  • d’apprendre la langue des signes (voir les exemples des gorilles Koko et Michael)
  • de fabriquer et d’utiliser des outils
  • d’imiter
  • de montrer, d’apprendre
  • d’avoir conscience de soi
  • d’avoir des relations sociales complexes
  • de faire des choix pro-sociaux

Les grands singes anthropoïdes se reconnaissent dans un miroir, ils font la distinction entre une action malveillante et une action bienveillante, peuvent attribuer des intentions aux autres, etc.

J’avais parlé un peu des similitudes entres les humains et les grands singes pour les Vendredis Intellos dans 2 billets :

Bébés humains, bébés singes et la communication par le geste
Le lien d’attachement, socle de la gestion des émotions

 

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Source : Hominidés.com

Aujourd’hui, les grands singes sont menacés d’extinction.
Les causes sont :

  • La chasse et le braconnage
  • Les maladies et épidémies (comme le virus Ebola, les pneumonies..)
  • La destruction de leur habitat naturel. L’extension de l’urbanisation, l’exploitation des ressources naturelles et surtout la déforestation en vue d’une agriculture intensive pour l’alimentation et les biocarburants représentent une attaque déjà bien réelle contre les populations de grands singes, en particulier des orang-outans avec la culture de l’huile de palme.
  • Les conflits humains qui ravagent les pays font également beaucoup de mal aux populations de singes.

Le Projet Grands Singes vise à donner des droits aux grands singes en leur reconnaissant un nouveau statut.
Ainsi ils bénéficieraient enfin du droit à ne pas être tué, torturé, du droit à la liberté...
Ce projet est révolutionnaire car il mettrait fin à l’isolation des humains par rapport à tous les autres animaux (en tout cas par rapport à certains animaux) dans les esprits. Nous replacer parmi les grands singes et témoigner d’une certaine solidarité envers eux serait déjà un changement de paradigme et protégerait de fait les autres primates contre les menaces listées ci-dessus, mais aussi contre la vivisection ou la captivité dans des cirques ou des zoos.
En revanche, déplacer la frontière entre les espèces ayant le droit de vivre et les autres peut sembler être hypocrite ou contre-productif. L’abolitionniste Gary L. Francione juge également qu’accorder des droits à une espèce animale en fonction de son degré de similitude avec l’humain ne va pas dans le bon sens.
Personnellement je pense que ce serait déjà un grand pas pour la remise en question de notre mode de vie et de notre façon de pensée dominante, ce serait faire reculer la mentaphobie. Et puis je crois qu’à chaque jour suffit sa peine : c’est par étapes que les choses se feront. Une fois les grands singes considérés autrement, la remise en question de nos rapports à tous les autres animaux sera beaucoup plus à notre portée.

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10 commentaires

  1. merci pour ce bel hommage… c’est toujours passionnant d’essayer de comprendre ces espèces si proches de nous…tellement de points communs. J’ai commandé un livre qui va j’en suis sûre m’en apprendre plus « pourquoi les chimpanzés ne parlent pas » de L. Cohen. Grande fan de J Goodhall aussi 🙂

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  2. Un bel article qui donne envie de faire des petits pas pour nous rendre plus égaux. Est-ce que ce projet à des chances de donner quelque chose, qu’il leur soit reconnu des droits? J’aimerai bien, parce que même si déjà l’idée est belle, ce serait en effet un immense pas pour la cause!

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    • Je ne sais pas quelles sont ses chances d’aboutir. Je suppose que la résistance est forte. Mais sait-on jamais, en Inde le statut de personnes non-humaines a été accordé aux dauphins, c’est déjà un beau pas. Alors pourquoi pas les grands singes ?

      A savoir que le projet a démarré en 1993 par Peter Singer et Paola Cavalieri. Affaire à suivre.

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  3. Article intéressant, petit mais costaud 🙂
    Effectivement la présentation du Projet Grands Singes reste spéciste dans la forme, mais en l’occurrence l’extreme urgence de la situation des “grands singes” (population réduite à environ 200 000 individus à l’état sauvage, toutes espèces confondues) semble justifier cette l’approche “sélective” de la démarche.
    Et je pense comme toi que cela peut constituer en soit un beau moyen de faire reculer la mentaphobie, c’est une opportunité de créer une vraie brèche dans le mur idéologique qui isole l’humain des autres espèces animales !

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